30 juillet 2025

Nuances et caractères : Ce que l’union du César et du Pinot Noir apporte aux vins d’Irancy

Un duo rare au cœur de la Bourgogne : César et Pinot Noir, une histoire ancrée dans le temps

Le pinot noir règne quasiment sans partage sur la Bourgogne rouge. Pourtant, l’appellation Irancy cultive un allié remontant à l’Antiquité : le César. Selon la tradition, ce cépage rouge charpenté aurait été introduit lors des invasions romaines. Si la légende dépasse sans doute la réalité, on trouve trace du César dans la région au moins depuis le Moyen Âge (source : BIVB).

Aujourd’hui, quelques hectares seulement y sont dédiés : sur les 315 hectares de l’appellation, moins de 10% du vignoble accueille du César, soit à peine 30 hectares (source : Vins de Bourgogne). L’AOC Irancy autorise jusqu'à 10% de César dans l’assemblage, même si rares sont les cuvées qui poussent l’audace jusqu’à ce maximum. Certains vignerons, toutefois, produisent des cuvées “pures César”, mais il s’agit là d’exceptions — et d’exercices de style taquins avec le règlement d’appellation.

  • Pinot Noir : cépage noble de Bourgogne, finesse, fruité, complexité aromatique
  • César : vigoureux, haut en couleur, tanins marqués, notes épicées et sauvages

C’est dans la rencontre entre ces deux cépages que naît la signature d’Irancy.

L’influence du César sur le profil sensoriel d’Irancy

Tanins et structure : la colonne vertébrale d’Irancy

Le Pinot Noir, reconnu pour son élégance, sa grâce fruitée et ses tanins soyeux, crée des vins de dentelle. Le César, lui, recèle une puissance parfois rustique : il offre aux vins couleur profonde, robustesse et potentiel de garde.

En pratique, l’ajout de César (généralement entre 3% et 10% selon les parcelles et les années) vient renforcer la structure du vin. Ses tanins sont plus fermes et apportent une charpente bienvenue, surtout dans les années où le Pinot Noir pourrait manquer de corps à cause de conditions climatiques capricieuses.

  • Coloration : le César accentue l’intensité colorante, offrant à Irancy des robes souvent plus soutenues que d’autres rouges de l’Yonne.
  • Texture en bouche : plus de densité, une sensation de mâche, une finale plus longue.
  • Habillement aromatique : le Cézar apporte des notes de fruits noirs (prune, mûre), parfois de violette, et des accents poivrés ou réglissés, contrastant et complétant la palette fruitée (cerise, fraise) du Pinot Noir.

Ce témoignage de vigneron l’illustre bien : “Un % de César, c’est le poivre dans le plat : il ne prend pas le dessus, mais sans lui le vin manque d’âme.” (Entretien, Domaine Colinot)

La touche du millésime et du terroir

Dans les années chaudes, le César, naturellement plus riche, peut atteindre des maturités remarquables, apportant ampleur et volume sans verser dans la lourdeur. Dans les années fraîches, il garantit la tenue du vin, lui épargnant une dilution excessive. Ce subtil équilibre nécessite la main experte du vigneron, qui doit savoir doser son assemblage en fonction du millésime et du caractère de chaque parcelle.

La diversité des expositions (coteaux du sud, pentes de Palotte, Mazelots, Les Cailles…) influence également la maturité du César. Les terres argilo-calcaires, fréquentes à Irancy, offrent à ce cépage la fraîcheur de vivre, tout en domptant sa vigueur.

Un vin à la fois typé et accessible : comment déguster un Irancy à l’assemblage marqué ?

La proportion de César n’est jamais anodine. Même modérée, elle suffit à imprimer au vin une énergie plus terrienne. Cela se traduit lors de la dégustation par :

  • Un nez mêlant fruits rouges mûrs, parfois une pointe sauvage, et des notes empyreumatiques (souvent du fait de l’élevage traditionnel en fûts de chêne local)
  • Une bouche généreuse, plus structurée, apte à résister au temps et à accompagner des mets de caractère
  • Des tannins jeunes parfois accrocheurs, mais qui s’arrondissent magnifiquement après 5 à 7 ans de garde

À l’aveugle, il n’est pas rare que les amateurs comparent certains Irancy à des vins du Beaujolais (pour la gourmandise), alors que d’autres y voient un petit frère bourguignon de la Côte de Nuits pour la complexité, mais plus “terrien”, moins sophistiqué, plus franc.

L’assemblage César/Pinot Noir : un choix identitaire et une revanche de l’histoire

Autrefois cultivé en abondance dans tout l’Auxerrois, le César a cédé face à l’hégémonie du Pinot Noir, mieux adapté à la recherche de finesse. Sa subsistance à Irancy, associée à la reconnaissance de l’AOC en 1999, est le fruit d’une obstination locale et d’une volonté de préserver la diversité ampélographique régionale (INAO).

  • Le César compose moins de 0,1% de la superficie viticole bourguignonne totale
  • La production annuelle d’Irancy plafonne en moyenne autour de 11 000 hectolitres par an
  • Sur le seul village d’Irancy, plus de 40% des vignerons choisissent d’assembler du César à leurs cuvées (Statistiques INAO 2023)

Un choix de vigneron qui relève à la fois de la continuité patrimoniale, de la singularité gustative et de l’affirmation d’une identité propre face à l’homogénéisation du vin.

Quelques domaines et cuvées emblématiques à découvrir

De nombreux domaines d’Irancy s’illustrent dans l’art de l’assemblage. En voici quelques-uns qui méritent le détour :

  • Domaine Colinot – Cuvée “Palotte” : autour de 8% de César, un vin à l’équilibre remarquable et à la garde remarquable.
  • Domaine Benoît Cantin – Assemblage traditionnel, entre 5 et 10% de César pour la profondeur et la vivacité aromatique.
  • Domaine Simonnet-Febvre – Cuvée “Paradis”, offrant une belle lecture du duo cépages/terroir.

Certains domaines proposent aussi des micro-cuvées 100% César, telles que la “Cuvée Gabin” chez Benoit Cantin (source : Guide Hachette des Vins).

Irancy aujourd’hui : singularité, potentiel et avenir du cépage César

À l’heure où la viticulture cherche à s’adapter au changement climatique, la rusticité du César pourrait redevenir un atout. Maturité tardive, résistance au gel, capacité à conserver de l’acidité : autant de traits qui séduisent certains jeunes vignerons désireux de faire évoluer le profil des vins tout en restant fidèles à l’histoire locale.

  • Depuis 2010, la proportion de César planté a progressé de 15% sur l’appellation, signe d’un regain d’intérêt (INAO 2023).
  • Le nombre de cuvées revendiquant fièrement leur part de César sur l’étiquette a triplé en 20 ans.

Si l’assemblage du César avec le Pinot Noir n’est pas unique à Irancy au fil du temps, cet “accord à la bourguignonne” offre à l’appellation sa signature la plus singulière. Le vin séduit par son harmonie entre finesse et charpente, entre tendresse et tempérament.

Pour l’amateur, Irancy c’est la promesse d’un voyage sensoriel et d’une histoire qui continue à s’écrire, millésime après millésime, entre la main du vigneron, l’âme du terroir, et le souffle retrouvé d’un cépage oublié.

En savoir plus à ce sujet :