1 juin 2025

Le cépage César : une rareté dans le paysage viticole auxerrois

Un cépage enraciné dans l’histoire gallo-romaine

Le César est un cépage rouge dont l’histoire remonte à l’Antiquité. Selon la légende, il aurait été introduit dans la région d’Auxerre par les légions de Jules César, lors de la conquête de la Gaule au 1er siècle avant notre ère. Bien que cette affirmation ne soit pas prouvée scientifiquement, elle a inspiré son nom et contribué à forger son prestige historique. Certains ampélographes (les spécialistes des vignes et cépages) estiment que le César pourrait en réalité être un cépage autochtone, marié à des variétés méditerranéennes par croisements naturels au fil des siècles.

Ce patrimoine ancestral confère au César une aura unique dans le vignoble français. D’ailleurs, des analyses génétiques modernes ont montré que le César est étroitement lié au cépage Pinot noir, mais qu'il possède également des liens avec des variétés sauvages. Ce mélange d’origines explique sans doute son caractère robuste, mais aussi sa faible diffusion en dehors de l’Auxerrois.

Un cépage rare mais résistant

Le César est aujourd’hui cultivé sur une superficie extrêmement limitée. À titre d’exemple, moins de 20 hectares sont plantés dans le département de l'Yonne, principalement autour d’Irancy, un joyau viticole de l’Auxerrois. Au-delà de ce périmètre, il est pratiquement introuvable. Plusieurs facteurs expliquent cette rareté.

Une culture exigeante

Énergique et vigoureux, le cépage César possède une maturité tardive, ce qui le rend parfois difficile à cultiver sous les climats plus frais de l’Auxerrois. Il nécessite une gestion très attentive des rendements pour donner le meilleur de lui-même, au risque de produire des vins aux tanins trop durs si ses grappes ne sont pas parfaitement mûres. Sa sensibilité aux maladies, comme l’oïdium ou le mildiou, en fait par ailleurs un cépage exigeant pour le vigneron.

Un cépage confidentiel

En raison de ces exigences agronomiques et du succès écrasant des cépages plus médiatisés comme le Pinot noir ou le Chardonnay, le César est resté dans l’ombre. Il ne bénéficie pas de l’aura des grands cépages bourguignons qui dominent les vignobles voisins. De plus, les réglementations viticoles modernes ont aussi circonscrit son utilisation : il n’est autorisé que dans des assemblages avec le Pinot noir, et dans une proportion maximale de 10 % à 15 % selon les Appellations d’Origine Contrôlée (AOC).

Une empreinte aromatique unique

Malgré sa rareté, le cépage César apporte une véritable personnalité aux vins dans lesquels il est utilisé. Son profil aromatique se distingue par une puissance et une structure qui viennent équilibrer la délicatesse du Pinot noir. Lorsqu’il est bien cultivé et vinifié, il exprime des arômes riches et profonds de fruits noirs, telles que la mûre et la cerise noire, accompagnés de notes épicées, presque sauvages, parfois teintées de poivre ou de cuir.

En bouche, il peut offrir une belle concentration, avec des tanins fermes mais élégants. C’est un cépage qui donne des vins de garde, capables de se bonifier avec le temps. Ce caractère robuste est précisément ce qui séduit les connaisseurs à la recherche de vins atypiques et authentiques.

Le rôle crucial du César dans l’appellation Irancy

Dans l’Auxerrois, le César trouve son plus beau terrain d’expression dans l’appellation Irancy. Cette AOC, reconnue depuis 1998, regroupe plusieurs communes situées près d’Auxerre : Irancy, Vincelottes et Cravant. Ici, le César est souvent utilisé en complément du Pinot noir pour donner plus de structure et de profondeur aux vins rouges.

Les sols calcaires et les coteaux bien exposés d’Irancy constituent un terroir unique où ce cépage peut s’épanouir pleinement. Il n’est pas rare de trouver des vignes de César âgées de plus de 100 ans dans cette région, preuve de sa pérennité et de son ancrage historique. Certains vignerons locaux, amoureux des traditions, travaillent même à vinifier des cuvées rares où le César est majoritaire, bien que ces productions restent confidentielles.

Un avenir incertain mais prometteur

Le César est aujourd’hui un cépage en péril, mais il connaît un regain d’intérêt grâce à l’engouement pour des cépages autochtones et rares. En s’inscrivant dans une démarche de différenciation, certains vignerons de l’Auxerrois redoublent d’efforts pour préserver ce patrimoine viticole unique. Le César incarne une forme de résistance face à la monoculture des cépages internationaux, tout en proposant une alternative au goût des amateurs en quête de singularité.

Par ailleurs, le réchauffement climatique pourrait jouer un rôle dans son avenir. Ce cépage tardif, réputé pour sa résistance au froid printanier, pourrait trouver de nouvelles opportunités dans les années à venir, à mesure que les températures augmentent et que les cycles de maturation évoluent dans la région.

Un cépage rare à la croisée des traditions et de l’avenir

Le César est bien plus qu’une curiosité historique. C’est un témoin vivant de l’héritage viticole de l’Auxerrois, tout autant qu’une promesse pour l’avenir. Que ce soit dans les assemblages d’Irancy ou dans des cuvées confidentielles, il surprend et séduit ceux qui croisent son chemin. Sa singularité, issue d’une combinaison rare de traditions anciennes et d’exigences modernes, en fait un cépage fascinant à préserver et à redécouvrir.

Alors, lors de votre prochaine visite dans l’Auxerrois, tendez votre verre vers le César. Ce trésor rare en dit long sur l’histoire et l’identité d’un terroir qui gagne à être connu. Santé !

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