10 juin 2025

Les secrets des cépages de l’Auxerrois : Assemblage ou monocépage ?

Les cépages rois de l’Auxerrois : une palette riche en identité

Dans l’Auxerrois, trois cépages dominent largement : le Pinot noir, le Chardonnay et le César. Chacun d’eux apporte une couleur, une texture et un profil aromatique unique aux cuvées locales. À ces variétés majeures viennent s’ajouter d’autres cépages, moins communs mais tout aussi captivants, comme l’Aligoté ou le Sacy, qui prolongent la diversité de cette région encore préservée de la standardisation.

Le Pinot noir : un cépage de finesse et de structure

Souvent identifié comme le roi des rouges en Bourgogne, le Pinot noir brille également dans l’Auxerrois. Assemblé de manière parcimonieuse, il est toutefois généralement vinifié en monocépage dans les crus locaux, où il exprime pleinement sa délicatesse. Sur les sols calcaires des coteaux d’Irancy, ce cépage développe des arômes de cerise griotte, de framboise et, avec l’âge, des touches de sous-bois et d’épices douces. Les vignerons locaux privilégient des vinifications tout en douceur pour respecter sa fragilité : macérations courtes, extractions légères et élevages maîtrisés sous bois. Le savoir-faire est ici essentiel pour éviter que l’élégance du Pinot noir ne soit éclipsée par une extraction trop poussée.

Le Chardonnay : fraîcheur et élégance en blanc

En monocépage, le Chardonnay offre toute l’expression du terroir auxerrois. Au nord-est de Chablis, il adopte un style singulier, éloigné des blancs gras issus d’autres régions de Bourgogne. Ici, le calcaire kimméridgien du terroir imprime au vin une trame tendue, avec des notes citronnées, de pomme verte et une finale saline. Bien qu’il soit rare de le retrouver dans des assemblages dans cette région, quelques cuvées audacieuses marient parfois Chardonnay et Sacy pour ajouter une pointe d’exotisme à l’ensemble. Ces pratiques, bien que minoritaires, révèlent toute la créativité des vignerons locaux.

Le César : un cépage historique, témoin du passé

Dans l’Auxerrois, le César n’est pas un intrus mais bien un élément incontournable du patrimoine viticole. Ce cépage rouge vigoureux, introduit dès l’époque romaine selon les historiens, est souvent utilisé en assemblage avec le Pinot noir. Pourquoi ? Parce qu’il équilibre la finesse parfois diaphane du Pinot avec une structure tannique plus affirmée et des nuances fruitées intenses de prune noire et de mûre. Les assemblages typiques d’Irancy, qui peuvent contenir jusqu’à 10% de César, en sont le parfait exemple. Là où le Pinot apporte élégance et fraîcheur, le César ajoute profondeur et puissance.

Assemblages ou monocépages : une question de style et d’identité

Tandis que certains vignobles misent exclusivement sur la pureté d’un monocépage pour magnifier le terroir, d’autres jouent la carte de l’assemblage pour enrichir la complexité aromatique des vins. Ces deux approches ont chacune leurs adeptes et reflètent bien souvent la vision personnelle des vignerons de l’Auxerrois.

Quand le monocépage sublime le terroir

Dans l’Auxerrois, le monocépage est une pratique largement plébiscitée pour mettre en valeur le caractère unique du terroir. Une cuvée 100% Chardonnay, par exemple, capte toute la minéralité issue des sols calcaires, tandis qu’un pur Pinot noir raconte un récit délicat et aérien propre aux coteaux ensoleillés de l’Yonne.

Mais attention : la vinification en monocépage demande une maîtrise parfaite. Sans l’art du vigneron, un vin peut manquer de profondeur ou d’équilibre. D’où l’importance des techniques comme le bâtonnage sur lies pour le Chardonnay, qui lui permet de gagner en volume, ou encore des choix judicieux dans le type de fûts pour le Pinot noir, afin d’enrober les tanins sans les dominer.

L’assemblage, l’art de jouer les alchimistes

Moins répandus que les monocépages, les assemblages existent bel et bien dans l’Auxerrois, notamment pour enrichir la complexité des rouges. Le mariage du Pinot noir et du César, comme nous l’avons vu avec Irancy, symbolise cet équilibre entre élégance et puissance. De la même manière, certains blancs voient le Chardonnay et l’Aligoté fusionner dans des vins qui allient fraîcheur vive et rondeur en bouche.

Ces assemblages ne sont cependant pas de simples mélanges : chaque cuvée est pensée comme un tableau où chaque cépage joue sa partition dans l’harmonie générale.

Focus sur Irancy et Saint-Bris : des exceptions notables

Deux appellations phares de l’Auxerrois méritent un éclairage particulier en raison de leurs spécificités en matière de cépages et de vinification :

  • Irancy : Cette appellation rouge, qui gravite autour du Pinot noir, démontre que l’assemblage peut être un vecteur de caractère. Ajoutés à hauteur de 5 à 10%, les raisins de César complètent l’élégance du Pinot par une structure tannique rassise, une profondeur aromatique et une longévité exceptionnelle.
  • Saint-Bris : Contrairement au reste du vignoble bourguignon, cette AOC singulière met en avant un cépage blanc atypique : le Sauvignon (blanc et gris). Vinifié seul, il développe des notes de buis, d’agrumes et de fruits exotiques, exprimant une vivacité singulière dans une région dominée par le Chardonnay.

Vers une diversité assumée et préservée

Dans l’Auxerrois, la question des monocépages et des assemblages dépasse la simple technique. Elle relève d’une véritable philosophie, où chaque vigneron cherche à exprimer au plus près l’âme de sa parcelle et son interprétation de l’héritage local. Qu’il s’agisse de sublimer le Pinot noir en solo ou de marier le César avec d’autres cépages, cette région démontre une richesse et une inventivité que l’on ne demande qu’à mieux connaître.

En arpentant les caves et les vignes de l’Auxerrois, on devine une autre échelle du temps, où le mariage entre tradition et création fait vibrer les cœurs des amateurs de vin. Alors, monocépage ou assemblage ? À chacun de se faire son avis, verre en main et esprit ouvert.

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