29 juin 2025

Chablis face aux blancs de l’Auxerrois : secrets d’une identité incomparable

Le terroir : un sol tout sauf banal

Kimméridgien : le secret minéral du Chablis

À l’origine du Chablis, il y a une terre particulière. Le vignoble puise son identité dans un sol Kimméridgien, cliché géologique né il y a 150 millions d’années, par la sédimentation de millions de petits fossiles, notamment d’exogyres (huîtres fossilisées). Ce terroir calcaire, riche en argile grise et coquillages, s’étend en une ceinture qui relie Chablis à Sancerre.

  • On estime que 80% des vignobles de Chablis reposent sur du Kimméridgien pur (source : BIVB Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne).
  • Ce sol assure une approche minérale inégalée, ciselant la fraîcheur du Chablis et sa fameuse “note de pierre à fusil”.

Portlandien et argilo-calcaires de l’Auxerrois

À côté du Kimméridgien mythique, les autres blancs de l’Auxerrois poussent sur des terroirs plus variés :

  • Bourgogne Côtes d’Auxerre : sols mêlés de calcaire Portlandien, semblables mais plus récents et moins riches en fossiles marins, apportant une trame plus tendre, moins ciselée.
  • Saint-Bris : ici, le calcaire ajoure la terre, allié à une touche de silex. On retrouve parfois une trame acide, mais plus grasse, plus expressive sur les fleurs blanches que sur la minéralité pure.
  • Autres villages : sols de marne, d’argile ou mixte, qui confèrent davantage de rondeur et de générosité, moins de tension en bouche.

Le cépage : le chardonnay, une empreinte indépassable, mais pas unique

La personnalité d’un vin blanc jaillit aussi de son raisin : dans le Chablis, seul le Chardonnay peut être utilisé, aucun assemblage, aucun écart.

  • Chablis : 100% chardonnay, l’expression la plus pure qui soit du cépage, sans artifice ni compagnie.

En Auxerrois, la situation se teinte de nuances :

  • Bourgogne Côtes d’Auxerre : principalement chardonnay, mais certains vignerons osent un soupçon de pinot gris sur des parcelles historiques.
  • Saint-Bris : la grande singularité ! L’unique AOC de Bourgogne à valoriser le Sauvignon blanc (Sauvignon et Sauvignon gris), offrant une dimension aromatique radicalement différente.

Ce que cela change dans le verre 

  • Le chardonnay de Chablis dévoile toute sa précision, ses agrumes vifs, ses fleurs blanches, et cette minéralité crayeuse caractéristique. Aucun autre blanc de la région ne propose ce squelette si tendu.
  • Le sauvignon de Saint-Bris bascule sur le fruité (cassis, buis, pomme verte) et l’exubérance florale, créant un univers bien distinct.
  • Bourgogne Côtes d’Auxerre : plus ample, parfois sur des notes de fruits jaunes, de noisette, laissant paraître la patte d’un terroir moins austère, plus solaire.

Un climat, une latitude : fraîcheur contre rondeur

Chablis se situe à la frontière septentrionale du vignoble bourguignon, en limite du Bassin Parisien : une latitude élevée, peu d’ensoleillement, une exposition aux gelées printanières.

  • La température moyenne annuelle à Chablis dépasse à peine les 11°C (source : Météo France).
  • En 2021, les gelées d’avril ont réduit la récolte de 50% sur certaines parcelles (source : FranceAgriMer).

Cela se traduit en bouche par une acidité toujours percutante, signature ultime du Chablis, qui n’est égalée par aucun autre blanc du secteur. Plus au sud, vers Auxerre ou Saint-Bris, le climat s’adoucit légèrement, la maturité du raisin suit, arrondissant les contours et apportant plus de chair :

  • Chablis : tension, nervosité, vivacité – une sensation presque saline.
  • Blancs de l’Auxerrois : texture plus chaude, fruits plus mûrs, parfois moins marqués par la fraîcheur intransigeante de Chablis.

La vinification : l’école de la précision ou la souplesse créative

L’acier, le bois : des choix décisifs

  • Chablis “traditionnel” : vinifié principalement en cuve inox, sans passage en bois pour préserver la pureté du fruit. L’élevage y est souvent court, entre 6 et 12 mois, pour conserver cette vivacité minérale tant recherchée (source : BIVB Chablis).
  • Chablis 1er Cru & Grand Cru : certains domaines optent pour une vinification partielle en fûts anciens, très peu toastés, jamais dominants. Résultat : une structure plus ample, mais une empreinte boisée toujours discrète, jamais vanillée comme sur certains Meursault.

Ailleurs dans l’Auxerrois, la vinification connaît plus de diversité :

  • Côté Bourgogne Côtes d’Auxerre ou Sauvignon de Saint-Bris, on n’hésite pas parfois à user de l’élevage sous bois récent pour complexifier le bouquet ou arrondir les angles, particulièrement sur les millésimes solaires.
  • L’utilisation de levures indigènes, la recherche de macérations pelliculaires ou de bâtonnage sont plus fréquentes, offrant davantage de variations de style selon le génie du vigneron.

Nouvelle génération ou respect de la tradition ?

La tendance au minimalisme technique est néanmoins commune : majorité de vignerons sur la soustraction (peu de chaptalisation, peu de filtration). Mais cette rigueur s’exprime de façon plus stricte et codifiée à Chablis que dans le reste de l’Auxerrois, ce qui amplifie la notion de terroir dans le verre.

Profil aromatique : minéralité, droiture… et émotions

L’univers sensoriel du Chablis

  • Nez : bouquet de fleurs blanches (aubépine, chèvrefeuille), agrumes (citron, pamplemousse), puis arrive la note de coquille d’huître et cette pointe fumée si rare.
  • Bouche : attaque vive, colonne vertébrale acide, trame minérale (craie, silex, iode), longueur salivante, finale droite, presque austère dans sa jeunesse.
  • Évolution : après 5 ou 10 ans, apparaissent le miel, la noisette grillée, sans jamais perdre ce fond pierreux rafraîchissant.

Autres blancs de l’Auxerrois : diversité assumée

  • Bourgogne Côtes d’Auxerre : arômes de fruits à chair blanche (poire, pomme), parfois plus de gourmandise, finale plus douce, largeur un peu beurrée selon les élevages.
  • Saint-Bris : explosion de buis, de bourgeon de cassis, de fleur de sureau, bouche ample et croquante, acidité moins tranchante.
  • Irancy : avant tout rouge, mais quelques blancs confidentiels, souvent sur la structure, la tension, mais sans la minéralité crue du Chablis.

Un éclat, une reconnaissance internationale

Le Chablis n’est pas seulement défini par ses critères techniques : il brille partout dans le monde. Environ 65% de la production est exportée chaque année, principalement vers la Grande-Bretagne, les États-Unis ou le Japon (source : Chablis.fr). Cette reconnaissance assoit la réputation du Chablis et la rigueur de son cahier des charges, parfois jalousée par les autres appellations de l’Auxerrois, encore trop sous-estimées à l’étranger.

  • Le Chablis compte quatre niveaux d’appellation : Petit Chablis, Chablis, Chablis Premier Cru (40 climats) et Chablis Grand Cru (7 climats sur la même colline).
  • Bourgogne Côtes d’Auxerre et Saint-Bris n’existent qu’en AOC “village” ou régionale, sans classement en crus.

L’incarnation d’un style, la promesse d’un terroir

Le Chablis impose une mineralité unique, peu de fruit, beaucoup de nerf, tandis que les autres blancs de l’Auxerrois s’épanouissent dans la diversité des cépages, des sols et des signatures aromatiques. Chacun raconte une histoire, sculptée par la main du vigneron et l’âge du sol. Mais si un critère doit résumer “l’esprit Chablis”, c’est cette tension entre limpidité, fraîcheur radicale et une minéralité sans compromis qui fait du Chablis un vin inimitable – aussi incontournable pour les curieux de l’Auxerrois que pour les palais du monde entier.

Pour les amateurs de découvertes, il n’y a rien de plus enrichissant que d’aligner sur sa table un Chablis voisin d’un Côtes d’Auxerre ou d’un Saint-Bris, pour apprécier, nez dans le verre et cœur ouvert, l’extraordinaire palette des blancs de la région.

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