1 mai 2025

À la découverte des outils traditionnels des vignerons de l’Auxerrois

La pioche et le hoyau : maîtres de la terre

Travailler la vigne commence par manier la terre. Pendant des siècles, les vignerons de l’Auxerrois utilisaient des outils simples mais robustes pour préparer leur sol et favoriser une croissance optimale des ceps. Parmi eux, la pioche et le hoyau occupaient une place centrale.

La pioche, avec sa tête métallique et son long manche en bois, servait à ameublir le sol compact, tandis que le hoyau, souvent muni de deux dents en fer et parfois asymétrique, offrait une précision idéale pour creuser des rigoles ou désherber autour des ceps. L’avantage de ces outils ? Leur simplicité. Ils permettaient d’accéder aisément aux parcelles pentues typiques de l’Auxerrois sans risquer d’abîmer les racines superficielles de la vigne.

Ces outils exigeaient également une force physique impressionnante : il faut imaginer les vignerons, genoux dans la terre, retournant patiemment une vigne après l’autre. Aujourd’hui, si la machine a pris le relais dans bien des domaines, certaines exploitations les conservent encore pour des travaux précis, dans un souci de respect écologique ou d’entretien manuel des parcelles en terrasses.

La serpe et le sécateur : sculptures végétales

La taille de la vigne, véritable art ancestral, repose sur des outils bien spécifiques, parmi lesquels on trouve la serpe et le sécateur. Dans l’Auxerrois traditionnel, la serpe était un outil polyvalent, servant aussi bien à couper les branches trop volumineuses qu’à défricher les abords des vignes. Avec sa lame légèrement courbée et son manche solide, elle pouvait tailler avec précision tout en résistant à l’usure du temps.

Le sécateur, sous une forme plus rudimentaire qu’aujourd’hui, a progressivement gagné sa place à partir du XIXe siècle. Il permettait des gestes précis pour une taille délicate et stratégique. Dans une région où les conditions climatiques peuvent influencer la vigueur des ceps, la gestion rigoureuse des tailles était (et reste toujours) un facteur clé pour assurer une vendange de qualité.

L’importance de cette pratique : nettoyer la vigne pour canaliser ses ressources vers les grappes. Dans l’Auxerrois, les cépages comme le pinot noir ou l’aligoté demandent une attention particulière et chaque coup de lame devient un geste calculé en vue de sublimer le millésime.

Le pulvérisateur en cuivre : protéger sans trahir

Dans le domaine de la protection des vignes contre les maladies, un outil emblématique des vignerons traditionnels de l’Auxerrois était le pulvérisateur manuel en cuivre. Connu pour son esthétique vieillotte et ses cuves métalliques, il était utilisé principalement pour appliquer la bouillie bordelaise sur les ceps.

La bouillie bordelaise, mélange de chaux et de sulfate de cuivre, est devenue un allié crucial à la fin du XIXe siècle, notamment après l’apparition du mildiou. Les vignerons de l’époque devaient marcher dans leurs rangs, portant le pulvérisateur sur le dos ou l’armant à la main, en pompant régulièrement pour diffuser une fine pellicule bleutée sur les feuilles de vigne. Ce travail fastidieux demandait une précision certaine : protéger les ceps tout en évitant d’alourdir les sols avec un excès de cuivre.

Certains pulvérisateurs sont encore conservés aujourd’hui comme témoins d’un temps où chaque geste dans la vigne était manuel et emprunt d’un certain savoir-faire artisanal.

Les bennes et les comportes : la vendange en mouvement

La vendange, moment phare de l’année viticole, mobilisait elle aussi ses outils spécifiques. Les bennes et comportes, ces grands récipients en bois ou en métal, faisaient partie du décor des coteaux auxerrois.

Avant l’arrivée des bennes mécaniques, les comportes étaient utilisées pour transporter manuellement les grappes fraîchement coupées, souvent à l’aide de paniers disposés sur les épaules des vendangeurs. Ces récipients permettaient de préserver l’intégrité des baies et de les transporter sans risquer l’oxydation prématurée des jus.

Encore aujourd’hui, dans certains secteurs où la vendange à la main reste la norme—et c’est souvent le cas pour les parcelles d’exception— les comportes sont précieusement conservées. Elles rappellent que chaque crianza ou chablis produit est indéniablement le fruit d’une étroite communion entre les efforts humains et la générosité de la nature.

Le pressoir à vis : extraction au cœur de la tradition

Le pressoir à vis, une invention qui traverse les âges, est un autre symbole du savoir-faire viticole traditionnel. Dans l’Auxerrois, ces imposants appareils équipés d’une vis centrale étaient utilisés pour presser les grappes entières après la récolte.

La vis, manœuvrée à la main, faisait progressivement descendre une énorme poutre sur la charge de raisins, exprimant lentement le jus à travers une cuve ronde perforée. Le processus était aussi exigeant que fascinant : les vignerons devaient ajuster la pression pour extraire au mieux le jus sans écraser les pépins, ce qui risquait d’amener des notes amères au vin.

De nos jours, ces pressoirs, bien que souvent remplacés par des alternatives modernes plus rapides et automatisées, suscitent toujours une certaine admiration. Ils rappellent une époque où le vin se faisait à l’aune du temps, sans précipitation, dans une volonté de respecter la qualité et les rythmes imposés par la nature.

L’ardoise et la craie : mémoire de la cave

Pour finir ce voyage dans le passé, il ne faudrait pas oublier des outils plus discrets, mais tout aussi essentiels : l’ardoise et la craie. Ces accessoires étaient omniprésents dans les caves de l’Auxerrois pour tenir un suivi précis des contenants, des dates et des millésimes.

Dans une époque où les registres informatiques n’existaient pas, inscrire à la craie sur les fûts de chêne permettait aux vignerons de consulter d’un coup d’œil l’état des fermentations, les périodes d’élevage ou les assemblages en cours. Cette méthode était d’autant plus importante dans une région comme l’Auxerrois, où la diversité des cépages impose une maîtrise de la vinification à chaque étape.

Encore aujourd’hui, certains vignerons perpétuent cette tradition, mêlant modernité et nostalgie pour gérer leur production.

Un savoir-faire entre mémoire et modernité

Les outils traditionnels des vignerons de l’Auxerrois racontent une histoire riche de labeur, d’ingéniosité et de respect de la nature. Ces instruments, parfois simples, parfois complexes, ont chacun à leur manière contribué à façonner les vins d’une région où terroir et humanité s’entrelacent intimement.

Si les technologies modernes ont transformé de nombreux aspects du métier, redécouvrir ces anciens outils, c’est aussi rendre hommage aux générations de vignerons qui, avec patience et passion, ont façonné les paysages que nous connaissons aujourd'hui. Alors, lors de votre prochaine balade dans les vignes de l’Auxerrois, laissez vos yeux se perdre entre les ceps et imaginez ces mains qui, autrefois, sculptaient la terre à l’aide de ces outils devenus témoins d’une époque que le temps enseigne à ne pas oublier.

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