13 juin 2025

La renaissance du vignoble auxerrois : les grandes étapes du XXe siècle

La crise phylloxérique : une blessure historique

Pour comprendre la reconstruction du vignoble auxerrois au XXᵉ siècle, il faut revenir à la catastrophe originelle : la crise phylloxérique. À la fin du XIXᵉ siècle, cet insecte ravageur, originaire d’Amérique, fait des ravages dans les vignes européennes, et l’Auxerrois n’est pas épargné. En l’espace de quelques décennies, les parcelles, autrefois prospères, se vident. En 1860, le vignoble auxerrois totalisait environ 20 000 hectares, mais cette surface est largement décimée à l’aube du XXᵉ siècle.

Pour localiser le problème et y apporter une solution, les vignerons se tournent vers les porte-greffes américains résistants au phylloxéra. Cette technique de greffage a permis de stabiliser les vignes, mais elle n'a pas suffi à relancer immédiatement la production. Beaucoup d’exploitations restèrent en jachère ou furent reconverties en terres agricoles moins exigeantes, faute d’investissement et de main-d’œuvre.

L’après-guerre et le réveil des vignerons

Le début du XXᵉ siècle est marqué par une reconstruction timide du vignoble. La Première Guerre mondiale met un frein à ces efforts, mais c’est surtout dans l’après-guerre, dans les années 1920 et 1930, que le renouveau commence à s’organiser véritablement. Plusieurs étapes clés méritent d’être soulignées.

1. La création des coopératives viticoles

Dans l’entre-deux-guerres, les vignerons auxerrois comprennent l'importance de l’union face aux défis économiques et techniques. C’est à cette période que naissent les premières coopératives viticoles dans la région. Ces structures jouent un rôle essentiel dans la mutualisation des moyens, notamment pour la vinification et la commercialisation des vins, permettant ainsi de maintenir un pied dans l’activité viticole. Elles favorisent aussi une meilleure qualité par des contrôles rigoureux et des investissements communs.

2. Une attention accrue au choix des cépages

Dans le même temps, le choix des cépages redevient une priorité. Peu à peu, les cépages historiques tels que le Pinot Noir, le Chardonnay et l’Aligoté reprennent leurs droits, adaptés au terroir calcaire et aux climats de la région. Ce retour aux cépages bourguignons, après les expérimentations d’hybrides au début du vingtième siècle, marque une prise de conscience collective de l’importance d’un enracinement dans l’histoire locale.

Les décennies d’après-guerre : la modernisation des pratiques

Les années 1950 et 1960 symbolisent une période charnière pour le vignoble auxerrois. Après le désastre de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses régions viticoles cherchent à accroître leur compétitivité sur le marché. L'Auxerrois, avec ses petites exploitations et sa production encore relativement confidentielle, entreprend une modernisation profonde.

1. Le renforcement des infrastructures viticoles

La mécanisation, bien qu’arrivée plus tardivement dans les petits vignobles, devient peu à peu un levier de transformation. En parallèle, les chais sont modernisés : l’usage de cuves en inox se généralise, garantissant une meilleure maîtrise des températures de fermentation, et donc une amélioration de la qualité des vins produits.

2. Reconnaissance et protection par l’appellation d’origine

Un des moments forts de cette période est l’obtention de l’AOC Bourgogne Côte d’Auxerre en 1961 (aujourd’hui appelée Bourgogne Côte d’Auxerre). Ce label officiel confirme la qualité et la typicité des vins de la région, contribuant à leur meilleure reconnaissance auprès des amateurs de vin et des professionnels. Cette appellation pose également des règles strictes en matière de production, garantissant un standard élevé dans l’ensemble du vignoble.

Les années 1980 et 1990 : un nouveau souffle

C’est dans les années 1980 et 1990 que le vignoble auxerrois connaît un élan de renaissance plus affirmé. Deux facteurs principaux expliquent ce regain d’intérêt.

1. Une montée en qualité

Les vignerons investissent de plus en plus dans la qualité à tous les niveaux : rendements maîtrisés, taille raisonnée, vendanges plus précises, tout est pensé pour sublimer le terroir. Certaines parcelles, comme celles de Saint-Bris, obtiennent une reconnaissance spécifique, marquée par l’obtention de l’appellation AOC Saint-Bris en 2003. Ce rare sauvignon bourguignon devient un emblème fort de l’originalité auxerroise.

2. Le retour des jeunes générations

Au cours de ces décennies, de jeunes viticulteurs, souvent après des formations œnologiques ou des expériences à l’étranger, reviennent travailler sur les terres familiales. Ils apportent une énergie nouvelle, des techniques modernes et une vision ambitieuse pour faire rayonner la région. Ce phénomène s’accompagne aussi d’un intérêt croissant pour le bio et la biodynamie, qui prennent peu à peu leur place dans le vignoble.

L’Auxerrois du XXIᵉ siècle : héritage et renouveau

La reconstruction du vignoble auxerrois au XXᵉ siècle témoigne d’un attachement profond à ses racines et d’un combat acharné pour redonner vie à un terroir oublié. Aujourd’hui, ce patrimoine renaît grâce aux efforts cumulés de générations. Aux côtés des appellations phares comme Bourgogne-Côtes d’Auxerre ou Saint-Bris, la région abrite des cuvées audacieuses et des équipes de vignerons passionnés qui continuent d’expérimenter et de repousser les limites.

Alors, en vous promenant dans les coteaux paisibles autour d’Auxerre, sachez qu’ils sont le témoin vivant d’une histoire longue, d’une résilience et d’une passion pour la vigne. À chaque gorgée de ces nectars, vous savourez un morceau de ce patrimoine reconstruit avec patience et amour.

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