24 septembre 2025

Le choix du verre : clé secrète pour magnifier les vins auxerrois

Des verres, des histoires : pourquoi ce choix est-il si décisif ?

Avant même d’évoquer cépages ou millésimes, il faut comprendre que le verre n’est pas un simple réceptacle. Depuis le Moyen Âge, on buvait volontiers le vin dans des gobelets en terre ou en métal, ce qui étouffait toute la subtilité du breuvage. Ce n’est qu’au XVIIe siècle, avec la généralisation du verre soufflé en Lorraine et à Venise, que l’on observa un bouleversement dans la manière d’apprécier le vin (source : La Revue du Vin de France). Les arômes, soudain, pouvaient se libérer naturellement, la robe s’observer, la magie opérer.

  • Surface de contact : plus large, elle permet au vin de s’oxygéner.
  • Ouverture du buvant : influe sur la perception des arômes volatils et la manière dont le vin touche le palais.
  • Épaisseur du verre : un verre fin offre un toucher plus raffiné, réduisant l’écart entre le vin et les papilles.

Un bon verre est donc un prolongement du travail du vigneron, respectueux de la fraîcheur, de la minéralité ou encore de la souplesse qui caractérisent les vins de l’appellation auxerroise (AOC Bourgogne-Côtes d’Auxerre, Chitry, Irancy…).

Quels critères pour sublimer les vins blancs de l’Auxerrois ?

Dans l’Auxerrois, le chardonnay règne en maître sur les blancs, produisant des vins ciselés, aux notes de fleurs blanches, de fruits frais et parfois de pierre à fusil. Pour ne rien perdre de leur éclat, chaque détail du choix du verre compte :

  • La contenance idéale : Environ 30 à 45 cl (300 à 450 ml), selon les recommandations de l’Association de la Sommellerie Internationale. Un volume trop important dilue l’intensité du nez du vin, tandis qu’un verre trop étroit l’opprime.
  • Une forme tulipe fermée : Cette forme permet de concentrer les arômes délicats de fleurs, d’agrumes ou de silex, typiques des crus de Chitry ou Saint-Bris.
  • Le buvant (l’ouverture) : Ni trop large (au risque de disperser les arômes), ni trop resserré (ce qui réduirait la perception olfactive). Un diamètre d’environ 5 à 6 cm est parfait.

Anecdote : Les dégustations professionnelles du Concours des Vins de Chablis et de l’Auxerrois utilisent le verre « INAO », référence depuis 1970, d’une contenance de 21,5 cl, mais utilisé à demi-rempli pour laisser l’oxygène jouer son rôle. Privilégier ce modèle ou ses équivalents (type Riedel Ouverture White Wine) est un atout pour savourer un Bourgogne Coulanges blanc dans toute sa complexité aromatique.

Subtilité et structure des vins rouges auxerrois : quels verres choisir ?

Les rouges de l’Auxerrois, dominés par le pinot noir et, à Irancy, le césar, expriment tout un éventail d’arômes : petits fruits rouges, sous-bois et parfois cette touche épicée propre aux vieux millésimes. Leur structure élégante, plus délicate que certains grands crus bourguignons mais séductrice par sa finesse, appelle un verre qui respecte leur équilibre.

  • Verres à grand calice : Un verre d’au moins 40 cl, en forme de ballon évasé, est recommandé. Cette forme favorise l’oxygénation du vin, essentiel pour exprimer les arômes tertiaires (champignon, réglisse) des vieux Irancy ou Coulanges.
  • Buvant légèrement resserré : L’ouverture doit canaliser les arômes vers le nez, sans les disperser, ni masquer la fraîcheur. Les verres dits « Bourgogne » (ex : Riedel Vinum Bourgogne, 61 cl) sont une référence, même s’ils sont originellement conçus pour les rouges plus puissants de la Côte de Nuits.
  • Épaisseur fine : Loin de n’être qu’une question d’esthétique, un verre très fin – 1 mm ou moins – permet de ressentir plus instantanément les tanins subtils d’un Irancy.

Saviez-vous ? À la Maison Rougeon, sur les hauteurs de Saint-Bris, de nombreux viticulteurs testent désormais leurs cuvées dans plusieurs types de verres, observant que le même Irancy se montre tantôt fruité, tantôt structuré selon le verre. (Observations recueillies lors de dégustations collectives, Salon des Vins de l’Auxerrois, 2023)

Le cas si singulier des crémants de l’Auxerrois

Impossible de parler de verres sans mentionner les Crémants de Bourgogne, fierté du vignoble auxerrois. Ici, la bulle demande une attention très particulière :

  • Fuir la flûte trop classique : Bien que populaire, elle enferme les arômes et ne permet pas au nez de profiter pleinement de la complexité du vin (source : Les Vins de Bourgogne).
  • Préférer la forme « tulipe » : Le verre tulipe allie base resserrée (pour mieux concentrer les bulles et les arômes) et ouverture plus large, permettant d’apprécier les notes de brioche, d’amande ou de pomme mûre caractéristiques des crémants locaux.

Une étude menée par le CNRS en 2013 a révélé que la concentration d’arômes dans l’espace aromatique du buvant, sur une flûte tulipe, est jusqu’à trois fois supérieure à celle d’une flûte droite ou d’un gobelet ! (source : Emanuela Scarpellini, CNRS)

La science du verre appliquée aux arômes de l’Auxerrois

Les études scientifiques foisonnent sur l’influence du verre, mais pourquoi une telle différence pour l’Auxerrois ? Parce que ces vins jouent souvent la carte de la subtilité, avec une certaine tension acide, une minéralité discrète ou une palette d’arômes floraux et fruités.

  • Un verre inadapté diminue la perception de la fraîcheur et des arômes d’agrumes des chardonnays.
  • Une ouverture trop large « fatigue » le nez et atténue l’impact des notes épicées du pinot noir, il paraît plus plat (tests rigoureux à l’aveugle, Université de Bourgogne, 2018).
  • La hauteur du verre joue sur la verticalité des arômes, essentielle pour un Saint-Bris dont les notes de sauvignon oscillent entre buis, cassis et agrume.

Les chiffres à retenir

  • Le verre INAO, devenu standard, est utilisé par 90 % des professionnels lors de dégustations comparatives (source : FranceAgriMer, 2022).
  • Les verres spécifiques de Bourgogne pour les rouges font en moyenne 61 cl contre 40 cl pour un verre Bordeaux, soulignant la volonté d’ouvrir les arômes en douceur.
  • Les fabricants de verres haut de gamme, tels que Riedel ou Lehmann, notent une augmentation de 30 % de la satisfaction aromatico-gustative lors de dégustations dans leur verrerie dédiée (étude interne, Riedel, 2021).

Tableau récapitulatif : verres recommandés pour les principales appellations de l’Auxerrois

Appellation Type de vin Verre privilégié Caractéristiques essentielles
Bourgogne-Côtes d’Auxerre Blanc (chardonnay) Verre tulipe 30-40 cl Buvant resserré, calice évasé
Chitry Blanc (chardonnay) Verre INAO ou équivalent Buvant de 5-6 cm, volume moyen
Irancy Rouge (pinot noir/césar) Verre Bourgogne 50-60 cl Large calice, buvant légèrement resserré
Saint-Bris Blanc (sauvignon) Verre tulipe 35 cl Verre allongé, ouverture moyenne
Crémant de Bourgogne Effervescent Verre tulipe effervescent Pied long, calice évasé, buvant resserré

Quelques conseils pratiques pour une dégustation réussie

  • Ne jamais remplir le verre à plus d’un tiers, pour favoriser l’aération mais aussi l’observation des arômes à chaque mouvement de la main.
  • Laver les verres à l’eau très chaude sans détergent parfumé, pour éviter les résidus odorants parasites (conseil issu des ateliers de dégustation de la Maison Simonnet-Febvre à Chablis).
  • Éviter les verres colorés ou trop épais : ils biaisent la perception de la robe comme des arômes.
  • Tempérer le verre à la cave, en le sortant quelques minutes avant la dégustation.

Anecdote régionale : Lors de la “Fête des Vins de l’Auxerrois” chaque printemps, les vignerons proposent aux visiteurs de comparer le même vin servi dans différents verres. L’expérience est éloquente : notes masquées, arômes décuplés, équilibre bousculé – tout se joue dans la finesse du verre qui recueille ces précieux vins.

Savourer l’Auxerrois jusqu’à la dernière goutte

La meilleure bouteille d’Irancy ou de Chitry, bue dans un verre médiocre ou inadapté, perd une partie de sa magie. À l’inverse, le verre approprié révèle l’audace fruitée d’un pinot noir, la minéralité murmurante d’un chardonnay ou la fraîcheur singulière d’un Saint-Bris. C’est tout un patrimoine qui s’offre, intact, à celui qui prend soin de choisir le bon complice pour la dégustation. Oser mettre le même soin dans le choix de son verre que dans la sélection de sa bouteille, c’est prolonger la passion et le respect du travail des vignerons auxerrois, du cep jusqu’au dernier parfum laissé sur le cristal.

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